Herbert William HARRIS (1880-1937)

 

Parmi l’ensemble de tirages d’expositions couvrant les années 1930 aux années 1990 se trouvent des épreuves déposées dans les collections de la SFP à l’occasion de manifestations telles que le Salon International d’Art Photographique. Ce salon, qui se tenait au mois d’octobre jusqu’en 1952, a permis d’alimenter un fonds qui n’a cessé de grandir au fur et à mesure des éditions. En plus des images sélectionnées et exposées, les tirages envoyés par les photographes permettent de retracer des ensembles cohérents, parfois particulièrement représentatifs d’une pratique et d’une implication au sein de la SFP. Le fond de Herbert William Harris de la SFP, constitué de 252 épreuves, est de ceux-là.

 

Herbert William Harris est né le 14 juin 1880 à Birchington-on-Sea dans le comté du Kent en Angleterre. Il est le fils de William Harris et de Jane Grandt. Sa présence à Paris est attestée au plus tôt en 1919 : une mention de son nom de la version parisienne du Chicago Tribune du 22 octobre 1919 stipule qu’il aurait donné 10 francs pour une levée de fond en aide aux bibliothèques parisiennes.

 

Aucune source n’a permis d’identifier une pratique professionnelle, et son activité de photographe, sûrement pratiquée en amateur, est restée relativement méconnue. Dans le registre de décès de la mairie de Paris, il est dit qu’il était professeur d’anglais. Il est toutefois possible de retracer son parcours de photographe grâce à son adhésion en février 1923 à la SFP, parrainé par Ernest Cousin et M. Lagrange.

 

En 1926, il expose pour la première fois au Salon International d’Art Photographique organisé conjointement par la SFP et le Photo – Club de Paris avec le Portrait de M. Colin. Par la suite, il expose très régulièrement au salon annuel de la SFP jusqu’à sa mort en 1937. L’une de ses participations les plus notables est certainement celle de 1933 dont la critique dans le bulletin fut rédigée par Emmanuel Sougez :

« J’aime beaucoup l’esprit des images que nous propose Herbert W. Harris. [] Ce curieux bohème de l’objectif, dont beaucoup de traits font penser à Atget, est comme ces poètes qui emplissent leurs poches de notes et s’en tiennent. [Ces photographies] sont de sensibles reportages sur la vie des rues de Paris. »

 

Voilà une phrase qui décrit bien l’esthétique de ce photographe. Nous conservons dans le fonds d’Herbert W. Harris une photographie du salon de 1933 intitulé « Vieux toits, vieux bois. »

Herbert W. HARRIS – Vieux toits, vieux bois, c.1933, tirage bromure d’argent, 31,5x24,8 cm, frSFP_0787im_EP_0079

 

En 1929 il adhère également à la Société d’excursions d’amateurs de photographie (SEAP). Il est très actif au sein de ce groupe, et l’on retrouve dans le bulletin des années 1930 de nombreuses mentions de ses photographies et de ses interventions. À la lecture de toutes ces occurrences, ce devait être un « bon vivant », aimant l’humour et l’ironie, traits de caractère que l’on retrouve d’ailleurs dans ses œuvres. En avril 1929, sa photographie intitulée « Boudidiou », ce portait d’un ouvrier parisien, casquette vers l’arrière et cigarette à la bouche est saluée par les sociétaires lors de la sa présentation. Le président de la séance M. Henry Bouré écrit à propos :

« Cette œuvre magnifique prouve que la bromure est un procédé qui, bien manié, permet de conduire au grand art ! »

 

Herbert W. HARRIS – Boudidiou, c.1929, tirage bromure d’argent, 21x25 cm, frSFP_0787im_EP_0126

 

Néanmoins il ne faut pas réduire son activité à un simple curieux de la vie urbaine. Ses études de paysages furent louées par membres de la SEAP et il multiplie ses voyages, notamment à Bruges, en Angleterre mais aussi dans les campagnes françaises comme Caudebec, Dunkerque et Vannes. À Ploumanac’h il réalise une prise de vue nommée « Pointe et Rocs », comme il est écrit dans le bulletin de mars 1935, mais dont le titre originel est « The Pointed Rock ». Cette photographie est qualifiée comme étant :

« une bonne étude de mer se brisant sur les rochers […] le mouvement de l’eau est excellent. »

 

Herbert W. HARRIS – The Pointed Rock Ploumanac’h, c.1935, tirage argentique, 27x26 cm, frSFP_0787im_EP_0129

 

Veuf depuis la mort de son épouse Florence Lee, il décède à l’âge de 57 ans le 24 décembre 1937 à l’hôpital Cochin situé dans le 14e arrondissement de Paris. Le bulletin de mars 1938 inclut une nécrologie rédigée par M. Claude de Santeul qui décrit l’homme qu’il pouvait être :

« Original, curieusement pittoresque d’aspect et de manière, ne détestant ni la bohème ni l’humour, c’était tout d’abord un excellent cœur, ce fut souvent un délicat artiste. »

 

Herbert W. HARRIS – La chanson du chagrin (aimer, rêver, souffrir, mourir), s.d. (entre 1919-1937), tirage bromure d’argent surimpression blanc, 36x24 cm, frSFP_0787im_EP_0187

 

On retrouve chez lui une légèreté et une liberté de tons très agréables. À la fois dans les sujets qu’il choisit de traiter mais également par le sens critique qu’il sait donner à ses clichés. Un œil avisé qui rend ses compositions originales et uniques. Lorsque l’on est plongé dans son œuvre, la vie populaire de Paris est clairement mise en avant, loin de l’aspect actuel des quartiers du centre-ville de la capitale. Pour conclure un dernier commentaire prononcé il y a tout juste 89 ans en février 1931 à la SEAP :

« HARRIS l’excellent camarades, à le don de faire rire tous le monde. Ses compositions sont souvent marquées d’un sens critique. Il y a beaucoup à prendre dans ses manières de rendre des sujets dans lesquels nombre d’entre nous ne sauraient rien trouver. »

 

Bien que peu connu, même s’il fut publié le magazine L’Illustration en octobre 1930, on trouve une mention postérieure à sa mort dans le magazine Le Photographe d’avril 1946. Il est question d’une de ses photographies présentant des touristes sur le parvis de Notre-Dame, bravant la pluie et les flaques d’eaux. Herbert Harris l’avait intitulé « Ils ont voulu voir Paris… ». Cette photographie n’est pas présente mais un autre tirage correspondant est identifié.

 

Herbert W. HARRIS – Le Parvis de N-D de Paris par temps de pluie, c.1932, tirage bromure d’argent, 34x24,7 cm, frSFP_0787im_EP_0173

 

Grâce à l’étude de la dernière photographie, il a été possible de remarquer un signe autographe en bas à droite du tirage. Ce signe, identifié par Vincent Guyot, a permis d’attribuer à Harris un ensemble de plaques autochromes anonymes, une plaque de projection et une plaque stéréoscopique. Ces vues, pour la plupart réalisées en 1924, figurent Versailles, l’Eure et l’Angleterre, mais aussi des compositions et natures mortes. Ce travail des autochromes vient s’ajouter aux différentes techniques que le photographe maitrisait, telle que le bromure d’argent. De plus il est prouvé grâce aux bulletins de décembre 1935 que Harris auraient exposé aux sociétaires des autochromes couleurs, tels ceux qui étaient cotés en tant qu’« anonyme ». À partir d’un ensemble de tirages d’exposition, cette étude aura ainsi permis d’identifier et d’élargir un fonds à la fois cohérent et hétérogène, révélateur d’une pratique photographique amateur pendant l’entre-deux-guerres.

Kilian GUILLON

 

Herbert W. HARRIS – Castle Rock, Lynton, England (october), autochrome, 9x12 cm, frSFP_0904im_A_0207

 

Herbert W. HARRIS – Scrub water, plaque de verre, 9x12 cm, frSFP_0900im_PP_2764